Après leur arrestation par l'armée lundi, le président de transition malien, Bah Ndaw, ainsi le Premier ministre, Moctar Ouane, ont démissionné mercredi. De son côté, le Conseil de sécurité de l'ONU a condamné à l'unanimité cette éviction sans toutefois parler de coup de force, ni envisager de mesures coercitives.
Il n’y a officiellement plus de président, ni de Premier ministre de transition au Mali. Ces deux hauts responsables de l'État ont démissionné après leur arrestation lundi par les militaires, dans ce qui s'apparente à un deuxième coup d'État en neuf mois et qui a poussé les États-Unis à suspendre mercredi 26 mai leur assistance aux forces maliennes.
Le président Bah Ndaw et son Premier ministre Moctar Ouane ont démissionné en présence de la mission de diplomates venus les voir à la base militaire de Kati, à une quinzaine de kilomètres de Bamako, a dit à un correspondant de l'AFP Baba Cissé, conseiller spécial du colonel Assimi Goïta, à l'origine de ce coup de force aux conséquences imprévisibles.
En réalité, ils ont démissionné avant l'arrivée de la mission à Kati, lieu de leur rétention, a dit à des journalistes sous le couvert de l'anonymat un membre de la délégation constituée de la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest (Cédéao), de l'Union africaine (UA) et de la Mission de l'ONU dans le pays (Minusma).
La délégation s'est ensuite rendue dans les bureaux du colonel Goïta, vice-président de la transition, qu'elle avait déjà rencontré mardi. "On a revu le vice-président pour lui dire notre désaccord", a déclaré le même membre de la délégation.
Inconnue totale
Ces démissions, dont on ignore les conditions mais qui figuraient parmi les multiples scénarios possibles depuis le coup de tonnerre de lundi, maintiennent une inconnue totale sur la suite des évènements dans ce pays crucial pour la stabilité du Sahel, plongé depuis des années dans une inextricable crise polymorphe.
Le Conseil de sécurité de l'ONU a condamné à l'unanimité cette éviction sans toutefois parler de coup de force, ni envisager de mesures coercitives. "Imposer un changement de direction de la transition par la force, y compris par des démissions forcées, (est) inacceptable", a déclaré le Conseil.
Les États-Unis ont suspendu l'assistance aux forces de sécurité et de défense maliennes, a annoncé le département d'État, précisant que Washington étudierait "des mesures ciblées contre les responsables politiques et militaires qui ont entravé la transition civile vers une gouvernance démocratique".
Si les efforts de médiation n'aboutissent pas, "nous prendrons des sanctions contre tous ceux qui empêchent le processus de transition de se développer", a prévenu auparavant le ministre français des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian, dont le pays engage environ 5 000 soldats au Sahel.
Les pays européens sont également prêts à des sanctions, a déclaré le président français Emmanuel Macron qui a parlé de "coup d'État dans le coup d'État". La Cédéao a elle aussi fait savoir que des sanctions étaient possibles, comme elle l'avait fait après le coup d'État mené par les mêmes colonels en août 2020.
Libération "de façon graduelle"
La rencontre de la mission de la Cédéao avec les dirigeants arrêtés s'annonçait lourde de conséquences.
"Les négociations sont en cours pour leur libération et la formation d'un nouveau gouvernement", a dit le collaborateur du colonel Goïta. Le colonel Goïta "nous a dit qu'ils travaillaient aux modalités de leur libération", a dit le chef de la délégation de la Cédéao, Goodluck Jonathan.
"Après la démission du président et du Premier ministre, les personnes détenues vont recouvrer leur liberté, cela se fera de façon graduelle pour d'évidentes raisons de sécurité", ensuite déclaré devant la presse Baba Cissé, le conseiller du colonel Goïta.
Retour à la transition réclamé
Mais la mission, ainsi qu'une grande partie de la communauté internationale, n'entendait pas seulement obtenir des assurances quant à leur état de santé et exiger leur libération immédiate. Elle réclamait un retour à la transition, censée ramener des civils élus au pouvoir début 2022.
Depuis leur arrestation, le président et le Premier ministre de transition sont tenus au secret au camp militaire de Kati, là où le président Ibrahim Boubacar Keïta, réélu un an plus tôt, avait été conduit lui aussi par les colonels en août 2020 et poussé à annoncer sa démission. Tous deux sont depuis réduits au silence.
Baba Cissé a invoqué mercredi soir des "différends profonds tant sur la forme que sur le fond" et des "blocages" auxquels le président de transition se serait livré, par exemple contre la préparation des élections à venir ou l'arrestation de responsables suspects de "mauvaise gestion financière".
Il a paru confirmer que les colonels auteurs du putsch d'août 2020 avaient mal pris que le président et le Premier ministre aient écarté deux d'entre eux de postes clés dans le gouvernement qu'ils ont annoncé lundi. Il y a eu "des limogeages ou des changements abusifs" qui pouvaient "avoir comme conséquence la démoralisation des troupes et une certaine rupture dans la chaîne de commandement", a dit le conseiller du colonel Goïta.
Le coup de force, énième soubresaut de l'histoire contemporaine malienne, soulève une multitude de questions quant à son impact sur la lutte antijihadiste et sur la gouvernance au Mali, et plus immédiatement sur la relation future avec les colonels et le respect des échéances prévues, comme la tenue d'élections début 2022.
Source : France 24
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